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Alors
qu'Erdogan, mis en difficulté au Parlement, tente par tous les moyens
de maintenir son pouvoir sur le pays, les indices du retour de la
nébuleuse militaro-nationaliste se multiplient.
Le Premier ministre turc, Erdogan, en juin 2013. (ADEM ALTAN / AFP)
"Si
l'AKP perd les élections, les bandes criminelles resurgiront par ici et
les Toros blanches feront leur retour". La menace de voir réapparaître
des Renault 12, appelées "Toros" sur les routes de Turquie, pourrait
faire sourire. Mais le Premier ministre Ahmet Davutoglu, qui l'a
proférée au cours d'un meeting dans la grande ville kurde de Van, à
quelques jours des élections législatives, a glacé le sang d'une bonne
partie du pays.
Dans les régions de l'Est, nul n'ignore que ce véhicule populaire longtemps fabriqué localement reste encore largement associé aux escadrons de la mort qui raflaient, torturaient et exécutaient des militants kurdes dans les années 90, aux pires heures de la "sale guerre". Des milliers de disparitions sont restées inexpliquées.
Si certains acteurs ont changé – la police a notamment remplacé l'armée – les méthodes utilisées par la contre-guérilla dans les années 90 pour mater l'insurrection kurde sont réapparues. L'attentat d'Ankara, commis par une cellule djihadiste proche de l'Etat islamique, le 10 octobre, a également révélé des failles dans la surveillance et nourri les soupçons de collusion entre l'Etat et Daech. "Les vieux démons ont resurgi sous de nouveaux traits. La rencontre entre 'l'Etat profond' et la 'Nouvelle Turquie' d'Erdogan", souligne le chercheur Karabekir Akkoyunlu, dans un article publié par le site Open Democracy.
Symbolique de cette époque, le parrain mafieux Sedat Peker est remonté sur scène juste avant les législatives du 7 juin. Condamné deux fois pour meurtre et association de malfaiteurs dans les années 90, baron des casinos et des parkings clandestins, membre des fameux Loups Gris, milice ultranationaliste, il a été libéré en 2014. Pour se muer aussitôt en supporter inconditionnel d'Erdogan, originaire comme lui de la ville de Rize, sur la Mer Noire.
Guillaume Perrier
Dans les régions de l'Est, nul n'ignore que ce véhicule populaire longtemps fabriqué localement reste encore largement associé aux escadrons de la mort qui raflaient, torturaient et exécutaient des militants kurdes dans les années 90, aux pires heures de la "sale guerre". Des milliers de disparitions sont restées inexpliquées.
Demandez à n'importe qui dans ces villes, tout le monde a une histoire à raconter avec les Renault blanches dans les années 90", confirme Muharrem Erbey, un avocat de Diyarbakir.
"Mais on dirait qu'aujourd'hui, ils n'ont même plus besoin de se cacher."250 civils tués en trois mois
Depuis le 20 juillet, le conflit armé a repris de plus belle entre les forces de sécurité turques et les rebelles du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), mettant fin à deux ans d'armistice et de négociations de paix entre les belligérants. Plus de 250 civils ont été tués en trois mois, selon l'Association des droits de l'homme (IHD) qui note un retour rapide à un niveau de violence jamais vu depuis 20 ans. Des enfants, des personnes âgées, ont été abattus en pleine rue par des snipers. Les forces spéciales de la police ont imposé un couvre-feu total sur des dizaines de villes et de quartiers. A Cizre, à la frontière turco-syro irakienne, le siège a duré 10 jours et 10 nuits, et 23 civils ont été tués. Des slogans vengeurs, "la république turque est là", "vous allez voir notre force", ont été laissés sur les murs. Une punition collective pour tous les bastions électoraux du parti prokurde HDP (parti des peuples et de la démocratie).Si certains acteurs ont changé – la police a notamment remplacé l'armée – les méthodes utilisées par la contre-guérilla dans les années 90 pour mater l'insurrection kurde sont réapparues. L'attentat d'Ankara, commis par une cellule djihadiste proche de l'Etat islamique, le 10 octobre, a également révélé des failles dans la surveillance et nourri les soupçons de collusion entre l'Etat et Daech. "Les vieux démons ont resurgi sous de nouveaux traits. La rencontre entre 'l'Etat profond' et la 'Nouvelle Turquie' d'Erdogan", souligne le chercheur Karabekir Akkoyunlu, dans un article publié par le site Open Democracy.
Le drame de Sirnak
Une image plus qu'une autre a hanté les réseaux sociaux. Celle d'un corps, attaché par une corde au pare-choc d'un véhicule blindé des forces spéciales, traîné dans toute la ville de Sirnak comme un trophée de chasse. Ce bourg perché dans la montagne est un fief acquis à la rébellion, ses habitants ont fui des dizaines de village rasés et occupés par l'armée depuis les années 90. Le corps était celui de Haci Birlik. Un jeune comédien, passionné de théâtre et de cinéma, originaire de Sirnak, mais aussi un sympathisant de la cause kurde, beau-frère de Leyla Birlik, députée locale du HDP, vraisemblablement tué au cours d'affrontements armés à l'entrée de la ville. Une vidéo filmée depuis l'intérieur du blindé a accompagné cette macabre mise en scène. Ce sont les policiers eux-mêmes qui ont diffusé les images sur Twitter, sur un compte au nom de "Jitem". Comme les commandos de gendarmerie fondés par le général Veli Küçük pour terroriser la base militante du PKK.Militaires, agents, barbouzes, trafiquants de drogue...
Le Jitem était au cœur de "l'Etat profond", cette nébuleuse militaro nationaliste, réunissant militaires, agents, barbouzes, trafiquants de drogue, exécutant dans l'ombre, les basses œuvres de l'Etat. Une tradition plus ancienne que les années 90, souligne l'universitaire Karabekir Akkoyunlu.Il y a un siècle, la junte panturque qui contrôlait le gouvernement ottoman utilisait les services d'agents de renseignement et de tribus kurdes pour commettre des atrocités contre les populations arméniennes".
L'éradication de ces cellules nationalistes étaient l'un des objectifs de l'affaire Ergenekon, ouverte par la justice en 2008. Le général Küçük en était l'une des têtes d'affiche. Mais après 2013, pour régler ses comptes avec son ancien allié, le prédicateur islamiste Fethullah Gülen, le gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdogan a fait libérer de prison tout ce beau monde. Pour le réutiliser à son profit ?Symbolique de cette époque, le parrain mafieux Sedat Peker est remonté sur scène juste avant les législatives du 7 juin. Condamné deux fois pour meurtre et association de malfaiteurs dans les années 90, baron des casinos et des parkings clandestins, membre des fameux Loups Gris, milice ultranationaliste, il a été libéré en 2014. Pour se muer aussitôt en supporter inconditionnel d'Erdogan, originaire comme lui de la ville de Rize, sur la Mer Noire.
Guillaume Perrier
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